samedi 12 juin 2021

Bernard Marcotte : "Mort pour la France"

La mention "Mort pour la France" a été attribuée le 12 mai 2021 à Bernard Marcotte par la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, à la suite de l'avis de la commission consultative médicale du 3 mai 2021 (n° 2021-120, dossier n° 13799),

et son nom a été intégré dans la longue liste des "Morts pour la France de la Premièe Guerre mondiale" du site Internet "Mémoire des hommes".

Cette décision fait suite à la constitution d'un dossier basé sur : le registre matricule de Bernard Marcotte, les éléments de son dossier conservé au Service historique de la défense à Vincennes, les pièces médicales se trouvant au Service de santé des armées à Limoges, le certificat de décès établi à Vannes, des lettres de Bernard Marcotte et de son frère Gaston (qui avaient été conservées dans les archives de Paul Tuffrau, et qui par la suite ont été confiées à la Bibliothèque nationale de France), le témoignage de Paul Tuffrau (à travers son livre : Bernard Marcotte, poète, conteur et philosophe de l'ironie, HD éditions, 2017) .

Cette décision rend hommage au parcours de Bernard Marcotte durant la Première Guerre mondiale, et dans les années qui l'ont suivie. Blessé à trois reprises durant le conflit, dont une fois au bras droit, Bernard Marcotte vit apparaître en 1916 une tuméfaction d'un doigt de la main droite, première manifestation d'une tuberculose osseuse, qui peu à peu se généralisera : aussi passa-t-il la majorité des années qui ont suivi la fin de la guerre dans des hôpitaux militaires, jusqu'à sa mort, le 4 juillet 1927, veille de ses 40 ans, dans un hôpital militaire à Vannes. 

Bernard Marcotte rejoint ainsi la longue cohorte des "écrivains morts pour la France"... 

Inscription du nom de Bernard Marcotte sur le monument aux morts de Saint-Germainmont où il est né le 5 juillet 1887.

 L'Ardennais, 15 juillet 2022

La plaque sur laquelle son nom a été porté a été inaugurée ce 14 juillet 2022, lors de la traditionnelle cérémonie organisée par la Mairie avec l'aide du Souvenir Français et des Anciens combattants.




Lors de cette cérémonie, un texte de Bernard Marcotte a été lu par Sylvette Pierre, "texte presque testament, intitulé "Autour de la mort", dans lequel Bernard Marcotte se souvient de la beauté de son pays natal et nous laisse ce message d’un magnifique acte de foi en la vie" :

Je me souviens de nos délicieux villages d’Ardenne où les forêts sont bleues sur les collines, où les ruisseaux dorment entre les peupliers drapés de brume. Les prairies et les moissons découpaient sur le sol de grands carrés jaunes et verts dont les couleurs s’effaçaient et se mêlaient à l’horizon. L’air était frais ; le soleil dorait le brouillard. Je me souviens que les bois traçaient une ligne bleue entre le ciel et la terre et qu’à l’ombre des haies, le long des routes des abeilles chantaient sur des violettes. Je me souviens des moissonneurs qui pas à pas pénétraient dans les champs de blé, du rythme lent et monotone de leurs faux, et je sais encore qu’à cette heure, n’ayant en moi ni souvenir, ni espérance, j’étais heureux et bon. Devant le soleil qui montait, j’ai su le grand orgueil de la vie, et j’ai levé la tête pour respirer plus profondément encore le parfum des moissons mûres et des forêts bleues. J’ai vu les taches rouges des coquelicots sur les nappes d’or des blés, et très loin, au-delà du ruisseau, les vieilles portes des maisons grises s’ouvrant à la lumière. Je vous dirais encore les rudes paroles de ces hommes qui marchaient vers les forêts, la serpe au côté et les bras nus, et je saurais vous faire aimer ce matin.

Bien qu’aujourd’hui, mon âme soit triste et porte avec douleur le poids de notre vie, je ne laisserai en vous ni découragement, ni lassitude. Je voudrais seulement que vous me lisiez un matin de printemps près d’un village que vous aimez, quand les vallées embaument et que les fleurs écloses la veille au grand midi s’effeuillent au vent. Ou plutôt qu’une voix de femme, votre sœur ou votre mère vous dise ces paroles, car je sais que vous m’aimerez mieux ainsi. Et puissent ces heures vécues avec moi être les plus nobles et les plus fières de votre jeunesse, parce que, ce jour là, le ciel vous fut infini et que toute la splendeur du matin pénétra dans vos âmes.

Et quand vous m’aurez lu, je voudrais que vous descendiez la colline et que vous quittiez la forêt ayant au cœur plus d’enthousiasme et plus d’amour. Oubliez-moi ; déjà le soleil est très haut dans le ciel et les fleurs se fanent et les épis sont tombés avec les coquelicots et les bleuets ; déjà la terre est nue. Mais dans l’espace la lumière vibre : et voici qu’à nouveau, comme un cantique de gloire, l’Angélus de midi traverse le silence des campagnes.

Dites vous bien, ô mes amis, qu’à cette heure de lutte et de fièvre, vous portez en vous toute l’âme des Dieux.